Les débuts au Québec de ce qui est aujourd’hui connu comme le génie agroalimentaire remontent aux années 1910 alors que le Collège Macdonald de l’Université McGill crée le Manual Training Program, qui devient, en 1914, le Department of Agricultural Engineering and Manual Training et tout simplement, en 1918, l’Agricultural Engineering Department. Il faut par contre attendre jusqu’en 1946 pour voir apparaître le programme du même nom (agricultural engineering). En revanche, il ne constitue à ce moment qu’une option au sein du baccalauréat en agronomie.
Le cheminement avec concentration en génie rural dure alors quatre ans, sans toutefois donner accès au titre d’ingénieur accordé par l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ). L’OIQ exigeait en effet une cinquième année de formation et, selon le texte d’une allocution présentée par l’ingénieur Jacques Choinière, fondateur du Département de génie rural de l’Université Laval, aucun finissant du Collège Macdonald n’a poursuivi sa formation en ce sens. Pour obtenir le titre d’ingénieur, les étudiants n’avaient d’autre choix que de poursuivre leurs études à l’extérieur du Québec.
C’est pourquoi, en décembre 1960, la Commission sur le génie rural de la Corporation professionnelle des agronomes du Québec recommande la création de programmes de génie rural au sein des facultés universitaires d’agriculture, jusque là dominées par l’agronomie. Ces programmes devaient conduire à l’obtention du titre d’ingénieur et être ouverts aux agronomes désireux d’acquérir cet autre titre professionnel. À cette époque, les instituts d’agriculture du Québec, comme le Collège Macdonald, se contentaient d’inclure certains éléments du génie rural dans leurs programmes de formation.
L’idée de mettre en place un programme de génie est néanmoins venue du Comité d’étude sur l’enseignement agricole et agronomique dans la province de Québec. Ce comité a notamment défini le rôle que pouvait jouer un ingénieur dans le monde agricole et dressé un tableau des éléments de formation en génie rural. Les premiers véritables programmes de génie liés à l’agriculture reconnus par l’OIQ sont ainsi nés, en 1962, à la toute nouvelle Faculté d’agriculture de l’Université Laval (génie rural) et, en 1966, sur le campus Macdonald de l’Université McGill (agricultural engineering).
Au même moment, la Commission royale d’enquête sur l’agriculture au Québec se pencha sur la réalité des pratiques agricoles québécoises. Elle avait pour principal objectif de définir les orientations du développement de l’agriculture au Québec. La Commission voulait notamment déterminer comment améliorer les conditions de production des agriculteurs afin qu’ils jouissent d’un revenu plus équilibré. Une des principales recommandations de cette commission fut de créer un programme de subvention et de soutien technique pour aider les producteurs agricoles à effectuer des travaux de drainage souterrain. Si bien que les premiers grands chantiers de génie rural consistent à concevoir des installations de drainage sur les terres agricoles. L’ingénieur rural prend petit à petit la place qu’occupaient les ingénieurs civils dans les années 1950, lesquels participaient activement à certains projets en milieu agricole (assainissement des sols, drainage souterrain des terres, aménagement des cours d’eau, etc.).
La Révolution tranquille
La Révolution tranquille marque aussi le début de plusieurs autres avancées en agriculture outre l’hydraulique agricole. Le ministère de l’Agriculture poursuit notamment ses efforts à répandre l’électrification en milieu rural. La mise au point de machines agricoles plus performantes est aussi à l’ordre du jour, alors que les plus gros tracteurs au tournant des années 1960 étaient munis d’un moteur ne dépassant pas 50 chevaux-vapeur. La construction de bâtiments pourvus de nombreux contrôles électroniques pour régler la ventilation et d’autres aspects de la production de façon centralisée permettent d’améliorer la productivité des fermes. Parallèlement, les ingénieurs travaillent à l’amélioration des techniques liées à la transformation primaire des produits agricoles telles que le séchage des céréales. La modernisation de l’agriculture québécoise est ainsi bien amorcée et les ingénieurs y contribuent de plus en plus grâce aux programmes de formation instaurés.
Les aspects économique et technique dominent alors le travail des ingénieurs ruraux. Même si ces deux dimensions demeurent toujours une préoccupation constante de l’ingénieur, petit à petit, s’ajoutent de nouvelles préoccupations comme les aspects environnementaux et sociaux (respect des lois et règlements).
La formation évolue
La formation, qui continue d’évoluer afin de répondre adéquatement aux besoins du monde agricole québécois, s’adapte à ce nouveau contexte. Au milieu des années 1990, l’Université Laval scinde le génie rural en deux pour former deux nouveaux programmes : le génie agroenvironnemental et le génie alimentaire. Le premier s’intéressera désormais principalement aux domaines de l’agriculture et de l’agroenvironnement, tandis que le second traitera essentiellement des aspects reliés à la transformation alimentaire.
Entre 2000 et 2004, l’Université McGill repense aussi complètement le programme d’ingénierie agricole de premier cycle. Maintenant connu sous l’appellation Bioresource Engineering, le nouveau programme offre plus de choix de cours complémentaires en sciences et en ingénierie, en plus d’offrir différentes avenues de spécialisation (alimentaire, agricole, sols et eau, environnement).
Sources:
Robert Lagacé, « Du monde rural à l’industrie », Plan, mars 2013, p. 28.
Edward McKyes, « History of the McGill Department of Bioresource Engineering, 1910-2005 », Communication personnelle, 25 octobre 2013.